août
03

Attention, ceci ne sera un billet très jojo jojo.

J’ai commencé aujourd’hui mon job d’été à l’hôpital psychiatrique. La psychiatrie ne m’intimide pas, c’est la troisième année que j’y vais. J’ai même trouvé ça très intéressant, de voir à quel point l’être humain peut devenir déviant mentalement, et les conséquences physiques que ça a.

Mais cette fois, c’est différent, je suis en long séjour. J’appréhendais, car souvent, les femmes de ménage se retrouvent à faire des toilettes de patients, pour cause d’effectif insuffisant. Ce n’était pas de la toilette en soi dont j’avais peur, c’était de mal la faire, de provoquer des infections, de faire mal. Finalement, elles ne sont pas au programme.

Ma mère, qui est infirmière, m’a souvent dit que le long séjour, c’était une horreur niveau travail. J’attribuais ça aux tâches répétitives, toilettes, repas, j’imaginais que ça ne devait pas être très intéressant.

Aujourd’hui, j’ai compris pourquoi elle m’a dit ça. Cet environnement est tout simplement terrifiant, car la mort est partout. Ce sont des patients en fin de vie. Ils n’ont plus aucune autonomie, portent des couches, pour la plupart ne peuvent manger sans aide, ne parlent plus, grognent à la place, restent assis stoïquement toute la journée.

Je me suis sentie mal à l’aise, car, au contraire d’un autre service, plus personne ne peut rien pour eux, c’est la fin de la course, on a perdu. Certains patients essayaient de me parler, mais, ne comprenant rien, je ne pouvais pas répondre. J’avais l’impression, en faisant ça, de nier leur humanité. Ils cherchent à nouer un contact, à communiquer,  pourtant je ne peux rien faire, je ne peux pas répondre.

Le point culminant de la journée a été atteint lorsque je nettoyais la chambre d’un patient alité. Il s’est avéré que c’était une patiente, je ne l’avais pas remarqué tellement son corps était abimé. Sur sa table de chevet était posée une photo d’elle il y a quelques années, et, même en sachant que c’était elle, elle était méconnaissable.

C’est un endroit extrêmement paradoxal, entre deux mondes. D’un côté, ce sont, comme nous tous, des êtres humains. D’un autre, ils ne le sont presque plus, tellement la fin est proche. D’un côté, c’est un hôpital, un établissement de soins, et pourtant, la fin de la bataille est proche, et tout le monde connaît l’issue. Et je ne sais pas. Je ne sais pas comment faire pour leur apporter quelque chose qui les fera se sentir encore un peu vivants, alors qu’ils sont déjà presque morts.

Mon arrière-grand-mère, même juste avant sa mort, à 93 ans, n’avait pas atteint cet état de décrépitude (je n’emploie pas ce mot de manière péjorative, je pense simplement que c’est le mot approprié, j’ai le sentiment de voir des personnes tomber en lambeaux). Je suis terrifiée dans cet endroit, je sens la mort roder, je sens ces patients qui n’ont plus rien d’autre à faire que d’attendre de mourir, qui ne font d’ailleurs que ça, qui ne vivent plus leur vie, et je ne peux qu’observer, et laver le sol.

Je suis rentrée chez moi en pleurant, et en ayant une estime infinie pour les personnes qui travaillent là-dedans. Je n’imagine pas à quel point il faut être fort pour mener ce combat perdu d’avance.

Pardon pour tous ces épanchements, mais je dois tenir un mois, j’ai besoin de sortir tout ça. Le moins que je puisse faire, c’est assurer aux résidents un environnement propre, à défaut d’un environnement agréable.

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Catégorie : Relou
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7 commentaires
  1. Sabine dit :

    Tu es courageuse, moi je ne pourrais pas.
    Quand mon grand-père a été soigné pour un cancer des poumons, après son hospitalisation, il a été admis en moyen et long séjour. Ma mère nous a alors dit à ma soeur et à moi, que généralement, quand on est admis dans ce centre, on n’en ressort pas. J’avais 13 ans et je m’en souviens encore !
    Les gens qui travaillent dans ces services ont vraiment du courage, car il faut être capable d’affronter la mort tous les jours …

  2. ennA dit :

    Je t’admire pour le job d’été car moi, ce serait au-dessus de mes forces. Longtemps, pendant mon enfance, j’ai fréquenté des unités de soin car ma grand-mère souffrant d’Alzheimer y est resté pendant plus de 10 ans. D’une année sur l’autre, j’ai vu les changements physiques et psychologiques. Vers la fin, on n’arrivait même plus à communiquer avec elle, car on ne comprenait plus rien à ce qu’elle disait. Ce n’était vraiment pas évident. Bon courage!

  3. FaFa dit :

    Bon courage miss ! Je comprends ce que tu peux ressentir et que t’aies envie d’en parler et que t’as envie de chialer.
    Je n’ai jamais eu affaire à ce genre de service mais j’arrive quand même à comprendre les gens qui y travaillent tous les jours. J’espère que tu vas réussir quand même à faire ton mois.
    Bises !

  4. Bon courage…

    J’ai tenu deux jours dans une telle institution…
    Impossible pour moi de relativiser et de prendre du recul.

    Chapeau à ceux qui y travaillent chaque jour !

  5. coucou,

    pour travailler toute l’année en réanimation à l’hopital, je peux comprendre ce que tu ressens….

    Je sais que ce n’est pas évident de voir, sentir, entendre (ou ne pas entendre) dans ce genre de service….

    On ne s’habitue jamais à la douleur, la maladie, la mort…sinon il faut changer de métier….mais il y a des décès qui touchent plus que d’autres, des envies de hurler, des pleurs aussi de notre part….et c’est tant mieux parce que nous sommes humains et vivants…mais il y a aussi souvent des rires, des délires, des bétises entre nous….c’est notre façon d’extérioriser…

    en tout cas je te souhaites énormément de courage pour ton engagement chaque été…
    bises oka

  6. Elo dit :

    J’ai été psychologue-stagiaire pendant 6 mois dans ce genre de service. Certes, ça n’a rien d’évident de travailler dans ce genre d’institution. Je crois que ce qu’il faut que tu gardes à l’esprit c’est qu’il s’agit d’humains, de sujets et non pas de « zombies », de « presque morts ». Il sont mortels tout comme nous sauf qu’eux ça se voit plus et c’est ça qui nous fait flipper: TOUT LE MONDE a peur de la mort.
    Selon certains courants psychanalytiques, la démence est quelque chose d’utile; les personnes démentes ont tellement peur de la mort -imminente- qu’elles préfèrent se réfugier dans le passé.
    J’en ai ch*é moi aussi. Comment faire des entretiens avec ces sujets? Je crois qu’il faut les écouter même si leur discours paraît incohérent; je le répète, ce sont des êtres humains!
    Il m’arrivait de dire à ces personnes: « je ne comprends pas tout mais je vous écoute » ou je pouvais simplement m’asseoir à côté de l’un d’entre eux. Il faut incarner quelque chose du désir de l’autre, de bien grands mots pour leur dire en somme « non, vous n’êtes pas mort puisque je vous écoute et je m’asseois à vos côtés ».
    Un dernier conseil, cela arrive fréquemment que les patients déments parlent de leu passé au présent ( »je travaille à tel endroit », « on va me ramener chez moi »…) dans ce cas, je crois qu’il est inutile de ramener du « ici et maintenant ». Parle leur de leur travail, de leur maison… Pourquoi les ramener à un présent si douloureux?
    Je sais que c’est l’avis « psy » mais je crois qu’en ayant ce regard d’un humain sur un autre humain cela pourra aider non seulement les sujets de l’institution mais t’aider aussi.
    Courage!

  7. Princesse Lily dit :

    Elo : Merci beaucoup pour toutes ces explications, c’est extrêmement intéressant !